Who cares ? Pourquoi nous avons besoin d’un « Care Deal » pour l’Europe

Les soins sont l’épine dorsale de notre société. Comme les femmes constituent encore la majorité des soignants, leurs choix dans la vie personnelle et professionnelle sont trop souvent limités. Les soins sont un besoin collectif et une responsabilité partagée. Il est temps d’investir massivement dans le « Care Deal » global pour l’Europe et d’aller vers un modèle équitable en matière de revenus et d’évolution de carrière pour les soignants. 

Les soins sont l’épine dorsale de la société. Prendre soin des autres, et être pris en charge, à différents stades de notre vie, est l’une des expériences émotionnelles centrales de notre humanité partagée. Les soins sont essentiels à la pérennité de la société. Et dans la période post-Covid, il est crucial de s’efforcer de mettre en place une économie holistique pour le bien-être de tous. La grande majorité des soignants, qu’ils soient rémunérés ou non, sont des femmes. Et, pendant bien trop longtemps, le travail de soins des femmes a été considéré comme acquis. 

La pandémie de Covid-19 a été un signal d’alarme et a montré, une fois de plus, à quel point nous sommes tous interdépendants. Elle a révélé à quel point la société dépend des femmes pour fournir des services de soins de première ligne et essentiels. Les femmes sont largement majoritaires en matière de soins non rémunérés (soins informels) et rémunéré, car elles constituent la majorité de la main-d’œuvre dans tous les secteurs liés aux soins (santé, éducation, aide sociale et travail domestique). Cependant, ce travail est souvent sous-évalué et sous-payé et a des conséquences à vie sur l’indépendance économique des femmes et leur accès aux droits sociaux, notamment en matière de retraite. Comme en témoigne l’écart stupéfiant de 40 % entre les pensions de retraite des hommes et celles des femmes dans l’UE, les femmes âgées sont souvent exposées à la pauvreté.

Depuis bien trop longtemps, le manque chronique de services de soins abordables, accessibles et de qualité dans l’UE constitue un obstacle important à la pleine participation des femmes à tous les aspects de la vie économique, sociale, culturelle et politique. Pour pallier le manque de services de soins, les femmes migrantes, parfois sans papiers et souvent sous-payées, sont employées dans de nombreux pays comme domestiques. Cette situation rend le travail des femmes migrantes dans le secteur des soins vulnérable à l’exploitation et aux abus. Seuls neuf États membres de l’UE ont ratifié la convention de l’OIT sur les travailleurs domestiques, qui garantit la protection des femmes travaillant dans le secteur des soins.

Cela révèle l’absence d’un véritable choix sur la manière de concilier vie professionnelle et vie privée et la persistance des stéréotypes sexistes qui continuent de sous-tendre la répartition des tâches entre les femmes et les hommes à la maison et dans la société. Les politiques de soins et la fourniture de services de soins sont donc des conditions préalables à la réalisation de l’égalité entre (toutes) les femmes et les hommes. Il est temps de passer du modèle désuet du bon père de famille unique soutien financier à un modèle égalitaire en termes de carrière et de salaire pour les soignants et soignantes. 

Le « Care Deal » pour l’Europe repose sur une approche holistique du cycle de vie qui reconnaît que les besoins en matière de soins et la fourniture de services de soins sont essentiels à chaque étape du cycle de vie. Les soins ne sont pas une question de dépendance, mais un droit humain fondamental, un élément essentiel de notre solidarité collective et un filet de sécurité qui répond à nos besoins de soins collectifs et à nos responsabilités les uns envers les autres. Les soins font partie du continuum de la transition vers une économie verte : prendre soin de la planète et prendre soin les uns des autres vont de pair. Nous avons besoin d’un « Care Deal » pour mettre ce continuum sur un pied d’égalité avec le « Green Deal », qui nécessite également des mesures solides, notamment l’affectation de fonds européens pour investir dans ce secteur.

L’investissement dans l’économie des soins pour des structures et services de soins abordables, de qualité et accessibles doit être l’élément central d’un modèle social et vert européen. Ces services devraient être fournis principalement par le secteur public et être disponibles dans les zones urbaines et rurales pour tous ceux qui en ont besoin, en tenant compte des droits fondamentaux, de l’indépendance et de la responsabilisation des bénéficiaires des soins.

La question qui se pose maintenant est la suivante : la stratégie européenne de soins de la Commission européenne aborde-t-elle ces questions ?

Tout d’abord, le Lobby européen des femmes salue la stratégie européenne en matière de soins comme un premier pas vers un accord sur les soins pour l’Europe. Elle a enfin mis les soins à l’ordre du jour politique, ce qui est le cœur d’un modèle économique féministe.

Nous nous réjouissons tout particulièrement que le rôle de longue date des femmes en tant que « tissu » de nos sociétés soit enfin reconnu. La stratégie en matière de soins place les femmes au cœur de l’action, ce qui constitue une étape cruciale dans la réalisation de l’égalité entre les sexes. Elle vise également à répondre à nos préoccupations concernant le manque de services disponibles, abordables, accessibles et de qualité, dont nous sommes témoins depuis des décennies. 

D’autre part, nous aimerions voir des mesures plus efficaces, notamment des objectifs précis pour les soins de longue durée, et des plans d’action pour atteindre les objectifs en matière de garde d’enfants. Bien que ces objectifs aient été revus à la hausse par rapport aux objectifs de Barcelone de 2002 en matière de garde d’enfants – qui, 20 ans plus tard, n’ont toujours pas été atteints – il est difficile de voir comment la stratégie de soins permettra de les atteindre d’ici 2030. Nous pensons que les services d’éducation et de développement de la petite enfance devraient être gratuits afin de garantir que tous les enfants – filles et garçons – de tous les milieux sociaux aient un départ égal dans la vie. Cela nécessiterait des investissements publics substantiels, mais contribuerait à garantir que la prochaine génération de femmes et d’hommes soit équipée pour façonner le monde de demain, placer les soins au centre et réaliser l’égalité des sexes. Compte tenu des écarts importants entre les femmes et les hommes en ce qui concerne le travail de soins, en particulier le travail de soins non rémunéré, nous avons besoin d’un modèle économique et social qui valorise les soins et les place au centre. Prendre soin les uns des autres, de la planète, des enfants, des parents et des personnes ayant des besoins spécifiques ne doit pas être une réflexion après coup, mais l’objectif central de notre modèle économique. C’est pourquoi nous avons besoin d’un « Care Deal » pour l’Europe. Nous pensons que la stratégie européenne en matière de soins constitue un premier pas dans cette direction.

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