Les 3 questions de Michèle Tabarot

1/ Vous avez récemment été co-rapporteure d’une mission d’information « flash » sur la Coopération structurée permanente. Après trois ans d’exercice, quel bilan tirer de la CSP ? 

Avec la co-rapporteure de cette mission, Natalia Pouzyreff, nous avons tenu à faire le bilan de ces trois premières années d’existence de la CSP, et pour cela, nous avons auditionné de nombreux experts, industriels et institutionnels. 

Parmi les éléments positifs de nos conclusions, nous pouvons saluer l’existence même de la CSP qui implique la quasi-totalité des Etats- membres de l’Union européenne autour de projets de défense communs. 

C’est un modèle inédit qui repose aussi sur des engagements forts des membres pour augmenter leurs budgets et renforcer leur outil de défense ou leur BITD.

Plusieurs projets visent directement à combler des lacunes capacitaires de l’Union européenne à l’image de « MAC-EU » pour développer des chaînes d’approvisionnement complètes « ITAR Free », ou de l’Eurodrone MALE. 

Mais la CSP présente aussi un certain nombre de faiblesses. D’abord, les engagements des Etats-membres ne sont pas toujours respectés ; par exemple pour les efforts budgétaires ou pour des stratégies d’acquisitions d’armements qui ne donnent pas suffisamment la priorité à l’Europe. 

Il faut aussi noter que sur les 46 projets de la CSP actifs, un nombre important n’a pas encore connu de progrès suffisants et tous ne répondent pas à l’objectif de réduction de nos lacunes capacitaires. Cela doit pour- tant être une priorité absolue. 

2/ Le rapport décrit la CSP comme un cadre de coopération manquant d’ambition, dont un défaut principal est une intégration trop large d’Etats n’ayant pas le même niveau d’implication ni les mêmes objectifs. Pensez-vous que cette description pourrait aussi s’appliquer à l’Union européenne dans son ensemble ? 

ll est certain que le nombre d’Etats-membres rend les prises de décisions complexes et conduit aussi à une multiplication des projets dont tous n’ont pas le même intérêt stratégique. 

Malgré cela, notre appréciation de la CSP est plutôt positive. C’est la première fois que certains pays travaillent ensemble et acquièrent une culture de défense commune qui portera ses fruits à moyen terme. Cela demande du temps et le processus est encore jeune. 

Dans les auditions des experts de nombreux pays, il y a parfois des divergences de vues mais personne ne remet en cause le principe de la CSP, qui porte ainsi beaucoup d’espoirs. 

Quant à la question des objectifs, elle est véritablement essentielle. La CSP doit avoir une finalité claire et partagée par tous ses membres. Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. 

Nous espérons que le travail de la boussole stratégique, engagé par l’Allemagne et dont « l’atterrissage » est programmé durant la présidence française du Conseil de l’UE au premier semestre 2022, et après leurs élections fédérales de septembre, permettra de définir enfin cette finalité. 

Bien sûr ces différences de visions qui compliquent l’action de l’UE ne sont pas propres à la CSP et font écho à d’autres lenteurs et obstacles aux décisions communes. Il nous semble qu’il faudrait avoir une réflexion approfondie sur la manière d’améliorer les processus de décision au niveau de l’Union. 

3/ Quels sont selon vous les défis et menaces majeures de demain pour l’Europe dans le domaine de la sécurité et de la défense ? L’Europe de la défense dans son état actuel est-elle prête à y faire face, notamment en termes d’autonomie stratégique ? Est-ce que l’une des finalités de la CSP pourrait résider dans le renforcement du pilier européen de l’OTAN ? 

L’enseignement majeur de ce début de siècle est que la menace a changé de nature. Elle est désormais diffuse et s’exerce aussi bien sur les frontières de l’Europe qu’à l’intérieur même de notre continent avec les craintes à l’Est ou encore la menace terroriste. 

Il faut également être lucide. L’Europe de la Défense n’a pas suffisamment progressé ces dernières années pour faire face seule à l’ensemble de ces menaces. 

Nous avons besoin de nos alliances stratégiques et effectivement, la France semble avoir rejoint la conviction allemande selon laquelle notre objectif d’autonomie stratégique ne peut s’envisager, au moins pour l’heure, que dans le cadre de l’alliance atlantique. 

C’est l’une des conclusions auxquelles nous sommes parvenues : l’Eu- rope a besoin de l’OTAN pour sa sécurité. Mais il faut aussi que l’Europe y prenne toute sa part si elle veut pouvoir relever les défis sécuritaires qui se posent à elle. 

En permettant de combler certaines de nos lacunes stratégiques la CSP peut contribuer à renforcer le rôle de l’Europe au sein même de l’OTAN et lui permettre de renforcer progressivement son autonomie stratégique qui doit rester un objectif prioritaire.

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