« Critiquer l’Union européenne, toujours ; en sortir, jamais ». Voici résumé le credo de Varsovie à l’endroit de Bruxelles ? Les Polonais veulent être considérés comme une grande nation européenne. A la différence des Britanniques, ils ne cherchent pas un statut d’exceptionnalité.
La Pologne n’est pas le Royaume-Uni. Il existe certes la tentation de plusieurs membres du gouvernement national conservateur d’agiter le spectre d’une sortie de la Pologne de l’Union européenne dans la foulée de la décision « orale » du tribunal constitutionnel polonais très politisé qui conteste la primauté de certaines dispositions du droit européen sur le droit polonais. Pour autant, le premier ministre comme son ministre des affaires étrangères ont été clairs : La Pologne ne compte nullement quitter l’Union. Quelques semaines plus tôt, alors que le premier ministre néerlandais Mark Rutte avait avec force invité l’autre démocratie illibérale, le Hongrie, à sortir de l’UE si elle était en désaccord avec ses règles, le premier ministre Victor Orbán avait répondu que cette perspective était hors de question. Les dirigeants polonais comme hongrois sont en fait très conscients qu’en dehors de l’Union, leurs deux pays perdent toutes capacités de négociation et ont adopté une ligne intangible et hypocrite que l’on pourrait résumer ainsi « critiquer l’Union toujours, en sortir jamais ».
La réalité, c’est que les citoyens polonais, comme les citoyens hongrois, sont massivement attachés à l’Union européenne, peut-être même plus que les Français, avec un taux d’adhésion au projet européen de plus de 80% pour les premiers. La raison est historique, longtemps les Polonais ont eu le sentiment d’être des Européens de seconde zone, à la marge du vieux continent. C’est l’adhésion à l’Union qui leur a donné le sentiment inestimable d’être des Européens comme les autres. Au-delà même du soutien des fonds européens, facteurs décisifs de la forte croissance du pays depuis deux décennies, et du rôle clé de la Politique agricole commune dans la modernisation de l’agriculture, cette fierté européenne est désormais une composante majeure de l’identité nationale polonaise. Les Polonais veulent être considérés comme une grande nation au sein de l’Union au même titre que la France et l’Allemagne et ils ne cherchent nullement, contrairement aux britanniques, à revendiquer une sorte d’exceptionnalité polonaise. Et s’ils sont particulièrement attachés aux Etats-Unis et à l’OTAN, c’est pour des raisons de sécurité beaucoup plus que d’identité.
A cet égard, la quête polonaise dans l’Europe est existentielle alors que les Britanniques ne cherchaient qu’à bénéficier d’une extension de leur marché favorable à leur commerce.
Enfin, les Polonais vivent très mal les conséquences du Brexit, l’importante diaspora vivant au Royaume-Uni a le sentiment d’être beaucoup moins bien traitée par Londres et les témoignages des conséquences néfastes du Brexit abondent dans la presse polonaise.
La vérité, c’est que la ligne illibérale devient minoritaire dans l’opinion et que le PiS, parti au pouvoir qui a su fédérer une partie importante d’une opinion catholique conservatrice en matière des mœurs, est très inquiet pour son avenir. Sa base électorale risque de se réduire comme peau de chagrin, et l’Église polonaise pourrait à terme connaître les mêmes problèmes de pédo-criminalité que les églises française et irlandaise.
La découverte de ces viols à la fin de la décennie 2000 et au débat des années 20210 a transformé en moins de cinq ans la société irlandaise, qui est passée d’une société conservatrice à une société parmi les plus libérales d’Europe. La même dynamique serait à l’œuvre en Pologne. Une transformation rapide de la société polonaise pourrait permettre à un gouvernement pro-européen d’accéder au pouvoir dès 2023 et de restaurer rapidement l’état de droit, l’indépendance de la justice et des médias.
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